En ce mois de février, nous avions rendez-vous avec Laurent VAUVERSIN, à Oger, en Côte des Blancs, pour une Vigne Bio Ouverte consacrée à la vinification biologique !
Ce moment privilégié a été l’occasion pour Vincent LOEZ, responsable de la gestion et de la préservation de la ressource en eau potable au sein de l’agglo d’Epernay de rappeler l’incidence de l’utilisation des produits de synthèse, et notamment des herbicides dans la pollution des aires d’alimentations de captage d’eau potable.
Vincent explique que cette pollution a bien évidemment un impact sanitaire, puisque in-fine l’eau est bue par la population ! Mais elle a également un impact économique considérable : » Il faut compter des millions d’euros d’investissement. Aujourd’hui les coûts d’entretien sont très élevés, notamment à cause du charbon, qui est LE principe actif utilisé pour retenir les molécules de produits phytosanitaires de synthèse.
Le plus alarmant est que nous retrouvons encore maintenant des métabolites issus de pesticides de synthèse interdit depuis maintenant 25 ans ! «
A l’heure où la ressource en eau est de plus en plus menacée, Vincent finit par conclure : » En tout état de cause, moins nous utiliserons de produits, moins nous en retrouverons dans l’eau » !
De son coté, Laurent VAUVERSIN commence par présenter à ses hôtes, la longue histoire de son domaine. Celle-ci commence au 17ème siècle lorsque la famille VAUVERSIN s’implante dans la Côte des Blancs.
C’est à partir de 1929, que naît le domaine VAUVERSIN, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Son arrière-arrière-grand-père fait ainsi le choix audacieux et quelque peu visionnaire, de ne plus vendre ses raisins au négoce, mais de se charger de la vinification ainsi que de l’exportation des bouteilles de champagne et des tonneaux de coteaux champenois. La plupart iront vers la capitale !
Depuis, la maison VAUVERSIN n’a sans cesse continué de s’agrandir de génération en génération : création de l’actuel chai, augmentation de la taille du vignoble et développement de l’export.
Laurent, lui, n’avait initialement pas l’intention de reprendre de suite le domaine. » J’ai fait un BTS Viti-Oeno au lycée viticole d’Avize. Puis, je suis parti à l’étranger, en Australie. Lorsque je suis revenu, j’avais pour projet de repartir. Mais, mon père, suite au départ en retraite d’un de ses employés m’a proposé de travailler au domaine. J’avais plein de projets en tête, je me suis dit c’est finalement maintenant, et pas demain ! Je suis donc revenu un peu plus tôt que je ne l’avais imaginé « .
Laurent reprend, fin 2010, le domaine de 3 Ha, alors âgé seulement de 22 ans ! Bien que jeune, Laurent impose quelques conditions, et notamment celui du passage en bio. Son père n’a pas été très dur à convaincre, puisque lui-même avait fait le choix de se passer d’herbicides dans les années 1995 et avait repris la charrue en 2002. Ainsi, en 2011, l’intégralité du domaine passe en bio !
» Ici, nous avons de la chance, nous n’avons pas de perte significative liée aux maladies. » Ce que redoute davantage le vigneron est la gelée.
» Mon grand-père disait, tu t’en prendras une bonne tous les 10 ans ! Mais, ces dernières décennies, nous sommes de plus en plus confrontés à des gelées tardives et impactantes pour le vignoble : 2012,2013,2016,2017,2019.. cela commence à faire beaucoup. Mon vignoble étant majoritairement en plaine, c’est un facteur à prendre en compte « .
Dans le vignoble, Laurent favorise la biodiversité de manière pragmatique. Il met en place des couverts depuis 2016 : radis fourrager, moutarde blanche, seigle, vesce.. ; ainsi que des plantes aromatiques en bout de rang et des arbres.
Mais attention, pas n’importe quel arbre ! Est-ce le fruit du hasard, mais son frère est pépiniériste en Bretagne à la pépinière des Simples de Cohan où sont greffés de nombreuses variétés de fruitier. Outre la variété, il faut souligner que le choix du porte-greffe est tout aussi primordial que pour la vigne. La forme future de l’arbre, son ombrage et son système racinaire sont aussi des points étudiés pour adapter au mieux au terroir et à la viticulture. Le conseil et la vente d’arbre pour les vignerons qui souhaitent se lancer en vitiforesterie font maintenant partie intégrante de l’activité de son frère.
Au domaine Vauversin, la vinification est plutôt simple, il n’y pas de collage, pas de filtration, pas de passage au froid en cuve réfrigérée ! Il réalise sa stabilisation tartrique de manière naturelle pour ses fûts, en les amenant dehors, lorsque l’hiver s’installe !
Petite particularité, aucun pompage n’est utilisé pour l’entonnage des moûts vinifiés en fût, tout est fait par gravité !
A la question du sans soufre, le vigneron est plus sceptique. » Depuis 2018, je fais un parcellaire sans soufre. En 2021, j’ai étendu mon expérimentation sur plus de vins, et j’ai été déçu du résultat. Cela avait gommé certaine particularité entre mes parcellaires et avait tendance à uniformiser les vins. Certaines parcelles s’y prêtent mieux que d’autres semble t-il « . Même chose pour les levures, après plusieurs essais, Laurent nous explique que les levures indigènes sont pour lui, celles qui apportent davantage de caractéristiques et d’identité à ses vins.
Enfin, côté vin, le vigneron indique ne pas chercher le côté oxydatif. Il fait le choix de ne pas soutirer de manière précoce pour utiliser la capacité naturelle des lies à capter l’oxygène. La lie est pour lui un précieux allié de la vinification bio et du bas sulfite « Je laisse le plus longtemps possible sur lies, jusqu’à la mise en bouteille. »
Un grand merci à Laurent pour son accueil, ses explications, son accessibilité, pour cette très belle dégustation des vins clairs et de champagnes !