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VIGNE BIO OUVERTE « LE COMPOST BIODYNAMIQUE » CHEZ LE VIGNERON ALAIN RÉAUT, À COURTERON, DANS LA CÔTE DES BAR, LE 17 OCTOBRE 2022

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Pour Alain le partage des connaissances est essentiel et fait partie des valeurs de la biodynamie. « Attention, je ne suis pas un scientifique et je ne livre pas des recettes à appliquer à la lettre, j’aimerais juste apporter mon retour d’expérience. » Et cette expérience est assez longue comme Alain a démarré la production de compost en 1993.

« Au départ, on a fait avec les moyens du bord ! Pour l’apport en matière végétale, je n’avais que de la paille conventionnelle à disposition. La matière ne se décomposait pas correctement. Les pesticides, fongicides, raccourcisseurs, bloquaient la transformation. Ensuite, j’ai eu la chance de travailler avec La Chanvrière de l’Aube. Ils ne savaient pas quoi faire des poussières de chanvre, on nous payait même le transport de la matière première pour se débarrasser ! Comme le chanvre n’a pas besoin d’être désherbé et n’est pas sensible aux maladies fongiques, il ne contient pas de pesticides, c’était l’idéal. »

A la différence de la paille, constituée de cellulose, le chanvre, contient de la lignine. Il peut absorber 350 fois son poids en eau. La lignine va se décomposer plus lentement et libérer plus graduellement l’azote dans les sols, assez différemment du compost à base de paille qui aura lui un effet « coup de fouet ».

Alain a été à bonne école, suivi au départ par le conseiller François BOUCHET, il a continué son apprentissage auprès de Pierre MASSON.

« Les qualités d’un compost son liées aux types de matières premières utilisées bien sûr, mais il faut surtout des matières de qualité, pour appeler la vie ! »

« On me demande souvent des analyses chimiques des composts. Pour ma part je ne prête pas trop attention aux analyses, je préfère considérer le potentiel « énergie » du compost (que seule l’analyse par « cristallisation sensible* » indique).

Déjà, il faut un bon équilibre entre le végétal et l’animal.

« La composition que je préconise, c’est environ, 50% de fumier de cheval, 25% de fumier de vache et 25% de matière végétale (chanvre et/ou bois blanc). Enfin du basalte et les préparations biodynamiques. Les résidus de marc sont à éviter, car il ne faut pas apporter de tanin au mélange. J’évite également les déchets de bois résineux. ».

Le producteur rencontre aujourd’hui un important problème d’approvisionnement : avec l’augmentation importante du prix des engrais, leur raréfaction, les fermiers répercutent les augmentations et font souvent des échanges avec les centres équestres auxquels ils fournissent la paille … Paille et fumier de cheval se font rares … De manière générale les matières premières sont mieux recyclées qu’autrefois et le producteur de compost doit chercher de nouveaux réseaux d’approvisionnement.

Alain nous conduit sur son champ de production, où vient d’être livré un camion de fumier de cheval. « Un compost doit être accompagné. On arrose les tas, en fonction de l’humidité, on les retourne une première fois. Quand le compost commence à fumer, on le retourne à nouveau et on dépose les préparations biodynamiques qui vont se diffuser durant le stade de la fermentation. »

Pour en savoir plus sur les six préparations biodynamiques à base de plantes (Pissenlit, Achillée millefeuille, Camomille, Ortie, écorce de Chêne et Valériane) selon la méthode développée par Rudolph Steiner, on peut se référer au site de BioDynamie Services : https://www.biodynamie-services.fr/…/preparation…

« On observe 4 stades de maturation, d’une durée variable suivant l’époque de fabrication (été/hiver), qui nécessitent dans tous les cas une observation rigoureuse du bon déroulement des phases successives :

1/ Stade Fermentation

2 Stade Champignon

3/Stade Acarien

4/Stade Ver de compost (ver rouge), soit le moment où les sangliers viennent défoncer les tas, au bout de 8 à 9 mois de maturation.

Alain nous fait toucher et sentir la belle matière colloïdale des composts matures. « Un compost ne sent jamais mauvais, sinon c’est qu’il est raté. »

Pour savoir comment utiliser les composts, la clé est dans l’observation des plantes qui poussent sur les parcelles. Alain conseille l’ouvrage de référence en la matière, « Les plantes bio-indicatrices » de Gérard DUCERF, éditions Promonature, dont il explique la logique à son auditoire dans sa vigne qui borde le champ de production.

« Le sol appelle la plante ! En fonction de l’état du sol, des conditions météo, la levée de la dormance des graines s’opère. Le sol, le climat, génèrent la germination de graines spécifiques. On peut donc précisément connaitre l’état du sol en regardant quelles graines y ont germé.

Sur nos sols, l’état d’équilibre se situerait entre la présence du Brome commun, du Mouron blanc et de la Véronique bleue ! Et de l’autre côté, un engorgement en matière organique sera révélé par le Pissenlit. »

Nous observons sur l’inter-rang quelques Rumex, signe de tassement « le sol a besoin d’air ! », et de Séneçon, signe de « lessivage vertical. Mais attention, il faut bien qu’une variété soit très représentée pour qu’elle livre une indication pertinente. »

Par contre, il ne suffit pas d’apporter de la matière organique, « il faut savoir ce que ce que l’on vise ; il faut que la terre respire. Le sol a subi les tassements des engins, il faut l’aérer. Pour relancer la « respiration » du sol, je conseille d’effectuer un griffage sur un horizon de 6 cm, le matin, le soir et encore le matin. Attention, le travail du sol ne doit pas entamer le système racinaire.

C’est bien de poser les composts à cette époque-ci quand il fait encore relativement chaud, mais pas trop sec, pour qu’il soit actif. Le compost sèche assez vite. »

Interrogés sur les couverts végétaux, Alain explique, « dans le cas d’une reprise de sols impactés par les herbicides, d’un sol dont on souhaite régénérer la couche arable, au démarrage de la conversion par exemple, cela peut être très utile d’implanter des plantes racinaires.

Pour ma part dans mes vignes où les sols respirent, je ne vois pas l’utilité d’implanter de couverts, je préfère assurément laisser pousser les plantes autochtones qui seront plus variées, plus adaptées et indicatrices. »

« Après toute ces années, sur mon terrain de production, la flore a complètement changé. Comme je modifie les emplacements des tas tous les ans, je constate que les plantes dont sont issues les préparations biodynamiques s’installent sur l’emplacement des anciens tas ! Ce qui continue de tant m’étonner comme ces préparations ne contiennent pas de graines !

Par contre je suis très inquiet, car je remarque que les petits chênes parfaitement adaptés au terrain jusque-là, ont les extrémités de leurs branches en train de mourir, ce qui présage de la mort de ces arbres, à plus ou moins long terme. Cela me fait penser à la constatation très inquiétante faite par Gérard DUCERF que maintenant partout sur la surface de la terre, le taux de matière organique est devenu beaucoup trop bas, se traduisant par la disparition du complexe Argilo-Humique »

Pour aller plus loin sur le cadre réglementaire du compostage en AB : http://www.itab.asso.fr/…/echo-mo/article_echo_m…

(*) : Cristallisation sensible : Ehrenfried Pfeifer chimiste et agronome allemand a inventé cette méthode en 1925 sous l’impulsion de Rudolph Steiner. La matière incorporerait des « forces » qui lui « donneraient » un « pouvoir » de « mise en forme ». La présence de ces « forces » s’exprimerait par la capacité des substances à organiser la cristallisation du chlorure de cuivre à partir d’une solution, et par évaporation dans des conditions de température et d’hygrométrie prédéfinies. Dans un environnement « défavorable », cette capacité serait considérablement affaiblie ou modifiée.

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